I.N.T.E.R.V.A.L.L.E.S s'expose

Publié le par intervalles

Ce dimanche, les auteurs de l'association "Lignes d'écriture" ont lu leur texte sur la péniche, devant les oeuvres.

 

 

Ces textes sont mis à disposition dans le cadre d'un contrat Creative Commons.

 

Texte de Gilbert Desmée :

 

 

 

Au fil du temps : l’eau

 

 

Quand le silence étend ses couleurs ouvert de mémoire s’érige imparfaite  en son mouvement la main qui viendra inscrire le mot alors au fil des mots l’eau du canal son courant raconte le temps qui passe le temps immobile de celui qui regarde et de ces temps différents la non mesure du temps l’impossibilité de le mesurer ce temps qui passe ce temps qui s’étend au fil de l’eau que je contemple  et le temps passé sur la péniche qui remonte le courant ou le descend peu importe le temps s’exprime au défilé du paysage le marinier immobile se déplace glisse sur l’eau le regard arrêté devant et ce devant est l’eau du canal mais l’eau y est faussement immobile se mouvoir s’arrêter question première aller ne pas aller car plus rien ne marche que faire quand plus rien ne va que tout va à vaut l’eau Attendre… Attendre et l’œil photographie…  Attendre la venue  de quoi… de qui… et le temps s’étire au fil de l’eau qui silencieusement suit son courant et le temps éveille les souvenirs mais parfois la magie souvent le travail le temps disparaît nulle contingence ne vient éclipser l’avancée de la phrase écrite

 

Gilbert Desmée

 

 

 

 

 

Texte de Maria Desmée :

 

 

 

Cheminement

 

 

Végétal en énigme, eau, source, errance, voyage

Trame d’oxydes rouges , pigments dénudant la sève

Dans l’éclat d’une vie en gestation, murmure d’un chant aquatique.

Un faisceau d’eau comme une lumière traverse ce cliquetis

Qui déchire l’ombre jusqu’au creux de la pierre

Jusqu’au creux de la  moelle, jusqu’aux entrailles.

Mousse blanchâtre comme issue d’un cratère de larmes

Pour porter nos désirs vers la rive.

Tu poses une écharpe de vent sur ces écailles de schiste

En porteur d’eau poussé par l’espoir de rompre l’attente

Ton fil se déploie pour s’enraciner dans l’onde

Comme un geste de mémoire pour remonter la vague.

 

Où vont tes espoirs qui découpent les chemins

Quand cheminer dans  tes sèves embrase mon regard. 

 

 

                                                              Roisel, août 2011

 

 

 

 

 

Texte de Jean Foucault :

 

 

En route vers l’infini

 

 

Pas un paysage qui ne soit obscur, sous ses plaisantes transparences,

quand vous lui parlez infiniment.

(Edouard Glissant, Philosophie de la relation)

 

 

Prenez l’infini par le plus petit côté,

Par le détail :

Il sera toujours l’infini.

L’approche en sera longue.

 

Si vous attrapez son reflet,

Vous n’y êtes pas encore,

Car il faut rompre avec le temps

Et démesurer l’instant

Pour toucher à l’infini !

 

Pour lui donner toutes ses chances,

Laissez-le filer entre les rives

Laissez votre esprit vagabonder,

Et poursuivez infiniment votre chemin.

 

Souvenez-vous :

L’infini n’a pas de nid

Il se tient où est l’écart.

 

Quand vous l’aurez compris

Vous trouverez vos aises,

photos de surface

menus propos

seront aux dimensions de l’infini.

 

Tout deviendra profondeur

Car vous serez parvenu à capter,

En son entier,

L’infini du monde.

 

Bon voyage  !

 

 

(Jean Foucault, sur les photos de Didier Lemarchand)

 

 

 

 

Texte de Jean Louis Rambour : 

  

  

 

Perte des eaux

 

1

 

 

Les plateaux du lac Itasca écartent leurs pentes et perdent leurs eaux, lâchent leurs esprits, bons, neutres, mauvais ; des nabots tirent leurs chapeaux, bas, au ras des vagues, et saluent leur passage. Car c’est le grand départ des flots où se mêlent encore des sangs bleus, noirs, des glaires, toute une érosion cervicale dont on se demande bien ce que pourront en faire les berges.

Pourtant leurs eaux frôleront les noms acadiens d’Orange, Beaumont et Saint-Cloud et, après les chutes de Saint-Antoine, rejoindront le golfe du Mexique et les cyclones où certains, depuis toujours, voient l’œil de Dieu, un vieux Dieu canotant de déluge en déluge, tirant les larmes des hommes comme des chèvres le lait et nommant les mers obtenues. Mers Egée, Tyrrhénienne, Morte, Blanche et des Sargasses, d’où les larves diaphanes des anguilles mettront trois ans à regagner l’Europe, dans un perpétuel aller et retour et ressac, un perpétuel parcours du monde.

Si bien qu’aujourd’hui encore, à cette heure de septembre 2011, flottent à la surface de toutes les eaux du globe les cris des esclaves noirs attachés au Mississipi et les cris des Juifs qu’on acheva au-delà du Rhin. Triste permanence du message des eaux. Si bien aussi que, bue au goulot, l’eau fait encore aujourd’hui le vacarme du frottement des plaques continentales lorsqu’elles commencèrent leur dérive, la leur, suivie de celle des hommes.

 

 

 

 

 

2

 

 

 

Le martelage du ventre, chaque nouvelle lune, lorsqu’il est dûment exécuté par le forgeron, donne l’assurance d’un accouchement facile. La certitude aussi d’un placenta gorgé de miracles, source profuse des eaux, mêlées d’hématite rouille, les meilleures, celles recommandées sur les ordonnances des plus grands médecins, celles recueillies de la toute première pissouille de Jésus sous le regard admiratif des bergers et des mages.

Oh le bel arrière-faix des premières parturientes ! D’une belle couleur, si plein de vertus, vessie de vie d’avant la vie, éponge gorgée d’eau de jeunesse ! Et tombé, misère, tombé dans un sac plastique, mes gentils enfants, tombé parmi les déchets de chairs et excréments. Tombé. Tombé. Jeté. Un sac en plastique bleu. Cela au lieu de l’enterrer dévotement, respectueux d’un rituel, dans un pot impénétrable aux fourmis, pour donner aux sourciers, un jour, une chance de faire surgir l’eau et sa sagesse, qui empêcheront les épidémies, calmeront les fièvres, les colères, les coups, soigneront les gerçures et même répareront les crânes, ô belle eau dorée, eau d’orange, de grain d’épi de blé, eau grenat des pubertés, eau des orages de juin, silencieuse, eau des neiges et des grêles, et des mots chantés, eau sur vos cous, mes femmes nécromanciennes, eau noire, lourde et patiente, aux odeurs de patchouli, eau pour moucher les chandelles vertes sous les paupières des enfants restés à l’état de placentas merveilleux.

 

 

 

Jean-Louis Rambour

 

 

 

 

 Texte de Edwards Savreux

 

 

La petite fille entra dans le bureau de son père une glace au citron à la main…


 

 


Mon dos, mon dos…

 

Je ne ferais donc que vous croiser, ou rester libre, ou… ou que je prenne l'eau, recherchant lumière, ne suis… ne serais donc que demi ombre, travaillant cette… cette mise en copie, travaillant sous réaction, ce que je sais… me faudra lire ici l'œil et l'esprit, ou quand le grain se cadre dans… dans le chas… travaillerons chaque et chaque place, serais plié dans cette croix, mais chante et chantera son chant, les yeux rayés nuls et chaque cœur serré, nous serons trois… non, deux… ici, dans ce moment où l'œil souvent s'aveugle, les yeux rayés nuls et chaque cœur serré, ne sachant qui regarde, dans cette feuille opposée, simple, à base cordée...

 

J’ai mal, mal, mal au dos…

 

Je n’écris pas, je colle… C’est que je suis… sec… diluée, dans le récit… Pour un peu, je saigne du nez, saignerai. C’est un spectacle, une boîte-cabinet de curiosités, sans faire un geste, donné… donné d’avance, comme on se suit.

 

Oh, là, mon dos…

 

Je n’écris pas, je colle… Je fais dans le visuel, dédié à l’intime, ici livré en pâture ; un rire encore, pour finalement être dans un autre intime, plus visuellement… C’est dire si, ainsi que je désherbe, je tabule, tatouant le temps fini dans ses interstices de pluie… La terre est encore fraîche, tu le sens bien, puisque tu te lèves, te regardes, et passes la porte blanche en bois, qui ferme mal, je n’écris pas, je colle, l’orteil tombant sur la brique tout juste réchauffée ; enfin, je me rapproche, entre le pouce et l’index, extraire le suc, celui-là juste qui colle, un peu, sans bouger,  ni même savoir, à la longue, presque à tâtons ; bientôt, il nous faudra courir, alors encore plus vite, courir jusqu’à la nouvelle pluie.

 

Attention… ne cassez pas mes carreaux…

 

Je n’écris pas, je colle ou lâche prise… J’ai mal au ventre, monde en conserve, je me mélange, féconde, même de côté, de quel côté, où je m’inverse, je me pèse, pèse pas lourd, même trop lourd, au fond, je n’ai plus de fond… Je suis blanche dans l’espace, un peu vide, non-finie, suis silhouette, silhouette au puits, dans le désir, à l’ombre de mes traits, dans le contour, se repentir enfant jusqu’à la trace, je m’efface, une impression de déjà-vu, de souvenirs, ou vitres-flash, dans un écart de féminité, jusqu’à son rouge, exact, fille d’aquarium sans son public, j’ai mal au ventre, au dos, aux dents, je me déplace dans un secret de femme, je glisse, dans un bocal en nostalgie… Je me regarde, garde en mémoire, tous les plaisirs, fleur et verre à boire de whisky, le goût, l’odeur de mes humeurs en forme de glaçons, coquelicot, le cœur en boîte, un cabinet de désirs, de déjà dit, ou de curiosités…

 

Et lorsque le rideau tombe, tombera, quelques coups de marteau pourront encore se faire entendre…

 



 

 

Texte de Mario Urbanet :

 


évaporade                 

 

d’abord la terre   et puis la main   mouillée d’

       E lle   A ime   U nir

vive    elle agrège   devient lie    et œuvre faite    s’efface

silice et cobalt s’y mêlent     inventent une texture singulière

le pacte de l’air et du feu solidifient l’ébauche

l’œuvre apparaît     parturition d’artiste     chant de vie   

 

jarre au ventre berceau     lisse et grenu   

gardienne de bien précieux               

aussi ancestral     le pot    aux mille formes     toujours contemporaines

telle une amante     l’eau  s’y love     étale

l’alliée évanescente     sans qui l’art du potier serait sans objet

devient volume aux proportions délicatement mûries

mais garde un souvenir de pluie    chagrin  de ciel     qui  obsède  

 

fard discret pour le bal d’une débutante 

une projection de teinte donne aux vernis l’apparence des grives draines

jalouses de leur beauté fragile

 

un plat aussi incurvé que la place du Palio de Sienne

montre les « veines vertes aux manches ouvertes » de «  la jeune fille » de Francis Jammes

à moins que ce ne soit une vague d’or noir     oubli     d’un cargo félon

salissure ultime qui fera éclore la colère

 un goéland     les ailes lourdes de brut     la propage dans le vent d’Ouessant

 

la main factrice s’attarde     comme le temps    celui nécessaire à l’évaporade

façonne des galets orphelins     larmes sèches polies par la mère océane    

pleurs prémonitoires sur l’abyssal vide des fosses marines taries   

quel goutte à goutte sauvera le monde de la furie dilapidatrice  de ses maîtres …

 

 



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